Les idées républicaines qui ont mené à la Révolution Française de 1789 ont été présentes, en sol Canadien. En 1775, le célèbre Benjamin Franklin, membre d’une loge américaine de Philadelphie, vient à Montréal avec l’imprimeur Fleury-Mesplet, qui est membre du Grand Orient de France. Les deux frères distribuent des tracts républicains et anti-monarchistes. L’activité de Fleury-Mesplet laisse un souvenir assez fort pour que, deux siècles plus tard, un franc-maçon québécois, Léon-J.-Z. Patenaude, fondateur de la Ligue des Droits et Libertés en 1963, contribuera à créer le Prix Fleury-Mesplet, remis à une personne s’étant distinguée dans le milieu de l’édition. Un autre franc-maçon connu de l’époque sera le marchand Pierre du Calvet, qui passera trois années en prison pour activité « subversive », de 1780 à 1783.
La loge Les Fils de la Liberté sera certainement la plus célèbre des loges du Grand Orient de France au Québec (appelé Bas-Canada à l’époque). Menée par Louis-Joseph Papineau, qui signe plusieurs de ses lettres en tant que « Frère trois points », la loge est impliquée dans la Rébellion des Patriotes de 1837. Avec l’exil de Papineau et la défaite, puis la pendaison de cinq Patriotes, la loge entre en sommeil et disparait tranquillement des annales de l’histoire.
Le clergé catholique québécois, soucieux de contrer les idéaux républicains et révolutionnaires, passera au dix-neuvième siècle une alliance stratégique avec le pouvoir colonial anglais. Une franc-maçonnerie anglaise, monarchiste et déiste se répandra sur tout le sud du Québec. Le terrain sur lequel est bâti le temple maçonnique de la Grande Loge du Québec, construit en 1928, et qui se trouve rue Saint-Marc à Montréal, à moins de cent mètres du Grand Séminaire, leur sera vendu par l’Ordre des Sulpiciens.
Mais vers la fin du dix-neuvième siècle, plus précisément en 1897, soulevée par le dynamisme du Grand Orient de France dans sa contribution à la laïcisation de l’État français (lois de 1905), une loge du GODF avait déjà surgi à Montréal. Elle portera le nom de L’Émancipation. Il est attesté qu’Honoré Beaugrand, maire de Montréal dans la décennie précédente, en ait fait partie. Cet Honoré Beaugrand était un anticlérical notoire. En faisait partie aussi le syndicaliste Gustave Franck, promoteur de l’éducation publique, dont est restée la phrase: Un peuple est fort quand il sait lire; quand il sait lire un peuple est grand. Ce Gustave Franck participera à la création de la loge Force et courage, en 1910.
La loge l’Émancipation donnera naissance également à une autre loge, Alpha et Oméga, dont nous savons aujourd’hui peu de choses, sinon à travers ce qu’en dit l’auteur anti-maçonnique A-J Lemieux, dans son ouvrage sur la loge L’Émancipation, paru en 1910. En fait, cette période entre 1897 et 1917 environ semble être celle d’une grande activité des loges montréalaises du GODF.
Pour des raisons qu’il serait long d’exposer ici, ces loges semblent s’être tranquillement éteintes au cours des années 20.
Il faudra attendre l’effervescence politique et contreculturelle des années 70 pour voir réapparaitre des loges maçonniques progressistes à Montréal. En 1974, le GODF crée la loge Montcalm Nouveau-Monde, où l’on retrouvera des personnalités comme Léon J-Z Patenaude, descendant d’un Patriote et haut fonctionnaire fédéral, ainsi que Laurent-Michel Vacher, un des philosophes québécois les plus connus.
Cette loge demeure active jusqu’en 1992. Une division en son sein conduit au départ de la moitié de ses membres, qui créeront un autre atelier, le Maillon Laurentien, affilié au GODF. Cette loge s’appelle maintenant Force et Courage. L’autre moitié créera le Grand Orient du Canada et travaillera dans une loge nommée Émancipation, en l’honneur de la première loge du GODF à Montréal au vingtième siècle.
La principale distinction d’alors entre le GODF et le GODC sera la mixité. La loge Émancipation sera une loge mixte dès sa fondation, en 1992.
Le 4 août 2012, une partie des membres de la loge Émancipation, aidée d’autres franc-maçons pour la plupart provenant du GODF, crée le Grand Orient du Québec. La laïcité et la mixité restent les pierres d’angle de la nouvelle obédience. Ce qui la distingue particulièrement est une volonté d’extériorisation, c’est-à-dire de plus grande prise en compte des enjeux du monde contemporain, et cela dans une perspective résolument progressiste. Pour souligner à la fois une vertu et le ciment qui les unit, le nom de Respectable Loge Les Amis Réunis est choisi.
Le 20 septembre 2017, la loge Fraternité, travaillant au RER, se joint au GODQ. Le 1er novembre 2017, le GODQ crée sa seconde loge au RF, La Nouvelle Alliance. Le 28 août 2018, suite à une compréhension différente de la pratique du RER, la loge Fraternité et le GODQ décident de se séparer.
Le GODQ travaille néanmoins à la création de sa troisième loge, travaillant au RER, sous le nom de La Flamme Écossaise, dont les feux seront allumés le 17 novembre prochain.