Le 27 Novembre dernier, lors du dernier convent du Grand Orient du Quebec, Yves Vaillancourt, Grand-Maître de l’Obédience, a remis le prix Leon Patenaude à Daniel Baril, pour son combat pour la Laicité.
Voici le communiqué complet.
Très chers membres du Grand Orient du Québec et des obédiences amies, distingués invités,
M. Daniel Baril,
madame,
La franc-maçonnerie, toute société secrète et nimbée de mystères qu’elle est, n’en demeure pas moins une fille des Lumières.
De ces Lumières dont le philosophe Kant disait qu’elles étaient la possibilité de contenir la religion dans les strictes limites de la raison.
Depuis le 19 ème siècle, la franc-maçonnerie, du moins dans sa frange libérale d’expression française telle qu’elle s’est manifestée en France, mais aussi en Belgique et en Suisse, attache de façon explicite une importance fondamentale à la laïcité. Dans son Convent de 1877, le Grand Orient de France a supprimé de sa Constitution l’Article Premier, qui exigeait de ses membres de croire en un Être Suprême et en l’immortalité de l’âme. Les agnostiques tout comme les athées purent devenir francs-maçons. Le philosophe Henri Ruiz Pena,
professeur à la Sorbonne et collaborateur de la revue Franc-Maçonnerie Magazine, présente l’importance de la laïcité dans ces termes:
Certains hommes croient en un dieu. D’autres en plusieurs. D’autres se tiennent pour agnostiques et refusent de se prononcer.
D’autres enfin sont athées. Tous ont à vivre ensemble. Et cette vie commune, depuis la 1ère Déclaration des droits de l’homme, doit
assurer à tous à la fois la liberté de conscience et l’égalité des droits ».
Nous avons donc substitué à l’obligation de croire en un Être Suprême la liberté absolue de conscience et tous les francs-maçons de
notre obédience ont promis, je reprends ici les termes exacts de notre serment d’obligation, de défendre l’idéal et les institutions laïques,
expressions des principes de raison, de tolérance et de fraternité.
Léon Patenaude fut l’un de ceux-là. Fondateur de la Ligue des Droits et Libertés du Québec, qui a peut-être récemment légérèment dévié
de l’orientation de son fondateur en attaquant la loi 21, Léon Patenaude a jeté les bases d’une première Constitution du Grand
Orient du Québec en 1977, dont l’Article 1 affirmait l’importance primordiale de la laïcité. Ce document est désormais classé aux
Archives Nationales du Québec, dans le fonds légué par Léon Patenaude lui-même, et comprenant diverses pièces d’archives dont
une intéressante collection de livres anciens érotiques. Je ne saurais affirmer un lien ici.
Daniel Baril, vous nous disiez dans une correspondance que, comme moi, vous avez connu Léon Patenaude et milité avec lui contre
l’influence insidieuse de l’Opus Dei. L’action de Patenaude s’est arrêtée en 1989. La vôtre a continué depuis. Sur plus de trois décennies, d’une intervention à l’autre, souvent par l’entremise du Mouvement laïque dont vous avez été l’un des animateurs, sinon par vos articles et bien sûr par vos livres, vous avez inlassablement œuvré à l’institution de la laïcité au Québec.
Vos livres savants peuvent être situés dans le droit fil des penseurs des Lumières, puisque vous avez tenté, vous aussi, non pas de rejeter le phénomène religieux, mais de le comprendre dans les limites de la raison.
Pour reprendre les termes de votre discipline scientifique de prédilection, l’anthropologie évolutionniste, je ne saurais dire devant vous si la franc-maçonnerie, comme la religion, procure à ses adeptes quelques réels avantages adaptatifs en regard des exigences de l’évolution, ou si elle n’est que l’une de ces douces utopies dont l’imagination humaine se montre si fertile, quoi qu’il en soit, Daniel Baril, nous reconnaissons en vous un ouvrier de la première heure pour la promotion de ce qui est, pour nous aussi, la pierre d’angle d’une bonne société, j’ai nommé la laïcité.
Le Parti Communiste Français disait à Jean-Paul Sartre qu’il était un « compagnon de route. Nous, nous disons « maçon sans tablier ».
M. Daniel Baril, au nom des membres du Grand Orient du Québec, j’ai le grand plaisir de vous remettre cette médaille au nom du franc-
maçon Léon Patenaude, qui fut votre ami.